






La proposition
Le projet « Echos natura natura semper » est une proposition d’intervention qui consiste dans la réalisation d’un carillon muet. Il s’agit plus précisément de réaliser une œuvre à durée limitée, intégrée dans le cycle de la nature, exprimant un écho visible et précaire d’un cri d’alarme invisible et permanent. Installée au sein un groupe d’arbre ou près de l’étang, l’œuvre est soumise à transformation, en relation intime au milieu qui l’accueille et finira par ne laisser sur le site de son installation qu’un vestige peu à peu colonisé par la végétation vagabonde. Cette proposition est un geste poétique, critique et symbolique en réponse à une situation dramatique, manifestant et la violence du conflit entre espace naturel et action humaine, et l’incapacité d’entendre le cri d’alarme de la nature et de ses défenseurs. Par sa transitivité et sa légèreté, l’écho du cri inaudible sera manifesté par la croissance de plantes sauvages (indigènes et exogènes) au milieu du délaissé qu’est l’espace défini par l’œuvre. Le sens de l’œuvre est le processus même, la relation dynamique avec le milieu (de l’entropie à la néguentropie) plutôt que telle ou telle forme donnée.
La structure
La structure est en bois brûlé (issu des forêts locales voire parmi des arbres morts du parc), en forme de parallélépipède rectangle évidé (arêtes sans parois). Elle est enfoncée dans le sol et stabilisée sans fixation définitive. Les quatre montants délimitent une surface couverte de dalles de pierre de forme régulière, posées au sol à bords touchants, sans joints de ciment. Les dalles sont disposées selon une légère dépression aménagée sur le terrain (5 à 10cm au point central le plus bas). Cette structure supporte dans sa partie supérieure des cloches. Ces cloches sont attachées à espaces réguliers par des liens dégradables à plusieurs longerons transversaux. Le type de matériau naturel des liens reste à déterminer expérimentalement en fonction de la résistance au poids des cloches suspendues et des effets des agents extérieurs (vent, pluie, gel, neige, oiseaux). La structure assure une fonction de portance des cloches, une fonction esthétique de lignes géométriques contrastant avec la forme oblongue des cloches, une fonction symbolique d’un cadre frêle et noirci par le feu.
Les cloches
Historiquement, les cloches symbolisent l’appel : l’appel à la communion sacrée, l’appel au travail des champs, l’appel à la mobilisation contre un danger imminent. Les trois appels sont convoqués dans le projet, le dernier surtout. Chaque cloche est un moulage en plâtre d’une cloche d’église. La surface de la cloche est sans ornements et d’une faible épaisseur (plus forte au point d’attache) et porte une inscription, celle du nom des hérauts emblématiques de la défense de l’environnement (liste à définir). La partie supérieure de la cloche comporte un œillet de fixation et la partie inférieure est obturée, sans orifice ni battant. Chaque cloche est ainsi fermée sur elle-même, réduite à un archétype formel non fonctionnel, dépourvu de toute capacité sonore. Chaque cloche ou certaines d’entre elles contiendront quelque chose, dont la nature reste volontairement non déclarée avant la réalisation.
La chute et la renaissance
Les cloches sont destinées à rompre leur lien par l’action du temps. Le vent, la pluie, le gel, la neige, les animaux, feront céder le lien qui retient les cloches à la structure. Elles s’écraseront au sol sur les dalles en pierre, laissant voir des débris et le contenu jusque-là caché. Les débris resteront en place jusqu’à ce que la dernière cloche soit tombée. Selon un délai à définir, l’ensemble des débris et des contenus seront rassemblés et placés dans une boîte. Aux plantes pionnières succèdera une végétation plus stable puis, de saison en saison, un véritable bosquet devrait occuper tout l’espace au sol et entre les limites de la structure restée en place. Cet espace de refuge pour la diversité pourra faire l’objet d’un suivi et d’une étude par des chercheurs et des étudiants de l’Université de Moncton intéressés par les modes de colonisation biologique d’un espace limité ouvert à l’ensemencement sauvage au sein d’un parc planté.
/Le vestige
Une fois le processus terminé, la structure disparaîtra dans la végétation, les débris de cloches recouverts par les racines et les herbes de sous-bois. L’hiver, une anamnèse partielle et momentanée sera rendue possible par la disparition des plantes saisonnières et la chute des feuilles des arbustes...